Il pouvait la reconnaître, les yeux fermés, à la fine pellicule au goût salin qu’on sentait sur sa nuque et dont les traces se perdaient dans la vallée des hanches. Sa langue reconnaissait ses cuisses, lisses comme le beurre salé ; chaque centimètre de ses aisselles, creuses et chaudes, où s’abritaient dans la journée les effluves cachés d’un léger déodorant. La nuit, cette odeur se faisait plus précise, rafraîchie par une douche à l’éponge naturelle. Elle embaumait comme le champ de coquelicots qu’il traversait en courant dans son enfance et c’est cette liberté qu’il redécouvrait, s’échappant du dessous des bras parfumés de cette femme ; le lilas, le géranium, les roses, la fleur d’oranger qu’on respire dans les jardins de province montaient de ses poignets, se cachaient derrière les lobes des oreilles, là où le duvet se fait le plus tendre, doux comme le sein d’une mère pour le nouveau-né. Lorsque le soleil brillait au midi et les journées se faisaient chaudes, il allait se blottir contre elle et trouvait sa chair fraîche comme la menthe, fruitée, épicée, dorée jusqu’au hâle par la saison. Cette peau lui rappelait les longues promenades qu’il faisait, jeune, sur la plage… Et quand les feuilles brunissaient et tombaient au sol à l’automne, il avait l’habitude de se coucher sur le tapis ottoman de la salle à manger de sa maîtresse et d’observer les passants, l’espèce agitée du genre Parisien : remontant d’un pas nerveux les trottoirs, aboyant dans leurs téléphones, laissant s’échapper dans l’air froid la fumée de leur respiration comme celle d’une cigarette. Plus l’air se refroidissait, plus il pouvait sentir distinctement sa peau sous les matières laineuses : ses châles en angora, ses pulls en cachemire et les grosses chaussettes qui le séparaient d’elle. Il avait appris à aimer ces vêtements — mais attendait avec impatience le retour des beaux jours. L’automne et l’hiver signifiaient pour lui l’éloignement de son corps odorant et c’était insupportable ; car il en était le gardien jaloux… Toute chose, toute personne s’interposant entre lui et sa maîtresse le ramenait toujours au souvenir lancinant de la séparation d’avec sa mère nourricière, cet arrachement—encore vivace, lui semblait-il confusément—de la portée de petites bouches avides, sentant le lait rance et l’œuf, et tirant, tirant fortement sur les mamelles gonflées, aspirant la peau nue de leur génitrice, dont le cœur—tout près—battait des joies parfaites de l’allaitement.
De toutes les odeurs qu’il connaissait, celle qu’il identifiait le mieux était l’odeur de peur — Angstgeruch. Il avait grandi avec elle : peur de la faim, peur du froid, peur de la mort. Mais il y avait à présent une nouvelle peur qu’il pouvait aussi flairer : la peur d’une perte, celle de toutes les nouvelles odeurs découvertes sur sa peau, sur ses vêtements, dans son lit, dans son appartement. Il avait peur de la perdre ; il éprouvait—maintenant qu’il possédait cette maîtresse—ce qu’est la jalousie. Son haleine rappelait la brise marine et salée, ses cheveux sentaient la pinède au sol sableux, la lavande, le thym, le lilas des jardins qu’il parcourait jadis dans ses errances. Cette maîtresse, tout comme sa mère nourricière, l’avait protégé et il était désormais son protecteur. Il ne la quittait jamais : toujours à ses côtés, compagnon fidèle, audacieux, intelligent—très intelligent—et jaloux comme un fauve . Elle lui promettait l’amour éternel. Et il avait foi en chacune de ses paroles.
Bijou—c’est ainsi qu’elle avait appelé : son trésor. Il était peu cérébral de nature, préférant se fier à ses sens. Chaque matin, il flairait l’odeur épicée du pain de seigle noir, celles des croissants, de la confiture, du beurre salé se mêlant au café au lait et il savait immédiatement qu’il s’agissait du petit-déjeuner. Elle l’appelait de sa voix au ton flûté : « Bijou, viens ! ». Il savait très bien ce que cela voulait dire aussi. Plus besoin de se battre avec ses petits frères et sœurs pour une mamelle humide ou déjà asséchée jusqu’à la racine par leurs efforts, plus besoin de coups de patte, plus besoin de gémir : il était monarque, disposant de sa chaise réservée pour s’asseoir aux côtés de Julie. Tel était le nom de sa maîtresse. Bijou et Julie—comme roi et reine. Lors des dîners, le rituel ne changeait pratiquement pas. Seules les odeurs étaient différentes ; le fumet du magret de canard flottait dans l’air, chaud, attirant, finement huileux, très éloigné de celui—sans invention et hautement répugnant—de l’humain moyen : collant, aigre comme un fromage fait, rappelant la sueur et la graisse. Pour les grandes occasions, il y avait du Chateaubriand filet mignon ou de l’entrecôte accompagnée d’une purée de pommes de terre nappée de jus de viande. Même froid, c’était un délice. D’ailleurs, les odeurs trop chaudes, les vapeurs de cuisson, l’avaient toujours effrayé, comme tout ce qui sortait directement du four, d’une poêle ou du micro-onde : cette nourriture sifflante et brûlante semblait crachée d’une bouche étrange dont l’atmosphère impalpable mais surchauffée avait momentanément effacé toute l’alchimie naturelle des saveurs qu’il identifiait d’ordinaire si bien. Il préférait donc manger froid une viande ne bougeant plus, ne mijotant plus, sans risque d’un jet de sauce intempestif. Bijou attendait patiemment que sa maîtresse eût fini. Assis sagement sur le tapis ottoman, suivant chacun de ses gestes, il la contemplait jusqu’à ce que tout soit prêt. Parfois, le téléphone se mettait à sonner et il devait alors attendre encore, encore un peu plus, regardant Julie d’un œil larmoyant mais sans jamais geindre — jamais. Il attendait qu’elle raccroche. Il attendait très poliment, de manière fort bien élevée et avec toute la patience nécessaire, l’une des plus grandes vertus qu’il avait acquises.
Récemment, le téléphone s’était mis à sonner plus souvent que d’accoutumée à l’heure du dîner. Bijou avait donc pris l’habitude d’attendre tout en essayant de flairer cette curieuse voix. Il percevait comme un bourdonnement prolongé, quelque chose d’intime mais aussi de menaçant, coincé dans le petit boîtier plastique du mobile de Julie et dont il ne pouvait rien sentir pour en apprécier la nature. En tout cas, cela n’apportait pas le fumet de sueur et de gras habituel aux humains. Voila plusieurs mois que ces choses duraient. Pour autant Bijou demeurait patient, fidèle à sa bonne éducation. Il mangeait seulement de plus en plus tard… et de plus en plus froid. L’automne était revenu. La mauvaise saison reprenait ses droits. Lorsqu’il rejoignait au lit sa maîtresse, elle était encore toute habillée, n’ayant ôté que ses mules de satin rose. Il détectait alors sur ses vêtements la fragrance de feuilles et d’herbes du dehors. Elle portait un tailleur à chevrons, très chic. Il approuvait son choix : ces tons chauds, entremêlés par le motif des fils bruns et beiges, donnaient à son corps une belle couleur fauve, quoique l’odeur ne fût guère intime. A vrai dire, il préférait renifler sa peau, frotter son museau le long des courbes de ses cuisses toutes douces ou de ses aisselles au parfum salé. Ou encore entendre et sentir sa voix lui dire : « Bijou ». Tout était si simple. Du moins jusqu’à présent : elle passait dorénavant de plus en plus de temps au téléphone, avec cette voix sans odeur provenant du plastique. Il en frissonnait. Tous les mauvais souvenirs lui revenaient d’un seul coup, écœurants, maladifs ; toutes ces années passées à lutter avec ses frères et sœurs pour obtenir une mamelle chaude, une goutte de lait rance, une place auprès du cœur battant de sa mère… tout remontait à la surface et il n’y avait aucune erreur possible sur cette odeur-là : Angstgeruch — le relent de peur, immonde. Un certain soir, lorsque le téléphone sonna de nouveau, Bijou fixa sa maîtresse et serra les dents ; dès qu’il entendit cette voix bourdonnante, intime et menaçante, un bruit sourd qu’il n’avait plus émis depuis des années monta malgré lui de l’arrière de ses mâchoires : mi-suppliant, mi-grognant. Mais Julie le repoussa, d’un geste brusque et agacé, préférant rapprocher le téléphone de son oreille. Il continua de l’observer depuis le tapis ottoman : pelotonnée sur le lit, ses lèvres continuaient de bouger. Il s’efforçait de comprendre. Mais il n’y avait aucune odeur, aucun arôme, pas une trace pour le tirer d’embarras : rien que cet Angstgeruch qui ne voulait plus le lâcher.
Depuis plusieurs mois, Bijou prenait ses repas seul. Froid, silencieux, il ne montrait plus la même politesse ; d’ailleurs il n’y avait personne à qui la montrer. Il avait donc commencé à engloutir sa nourriture : des morceaux lui retombaient du coin de la gueule et coulaient le long de sa robe aux tons rouans, s’accrochaient à son poil. Il n’aimait pas cela. Il découvrit ainsi de nouvelles odeurs provenant de son corps : désagréables, amères, âcres, aigres, salines… Un jour, n’ayant pas mangé ni bu depuis 24 heures (Julie découchait), il essaya d’ouvrir seul le réfrigérateur mais ne réussit qu’à s’arracher un bout de peau. La plaie finit par dégager une odeur rebutante de chair meurtrie et nécrosée. Lorsque Julie revint, elle s’efforça de se faire pardonner : après l’avoir emmené tout de suite faire un petit tour pour ses besoins, elle s’empressa de lui donner de l’eau, voyant qu’il n’avait plus lapé une goutte depuis des lustres. Puis elle plaça des restes sur son assiette, tout en se bouchant le nez : « Pouah, j’aurais dû jeter ça depuis longtemps ». Bijou fit une grimace et se détourna. Il l’entendit alors le cajoler : « Allons, allons, Bijou, ce n’est pas grave, non ? Ca t’ennuie de manger des restes ? » Puis elle poussa de nouveau vers lui la gamelle, sans même remarquer sa blessure et la mauvaise odeur qui s’en dégageait. Une fois fini son repas, il prit la direction de la chambre de sa maîtresse. Il la trouva lovée sur le lit, en position fœtale, toujours habillée et le téléphone fermement collé à l’oreille. Avant même qu’il n’ait pu franchir le seuil, elle déposa le téléphone et se pinça le nez avec dégoût. « Pouah, quelle odeur ! » fit-elle en toisant Bijou qui s’était assis poliment en face d’elle et lui adressait un regard plaintif. Il s’apprêtait à sauter sur le lit pour lui montrer sa plaie quand elle l’arrêta d’une exclamation : « Bijou, tu pues ! ». Ca c’était un nouveau mot : « pues » et ça comportait un ton dur et une crispation des lèvres. Puis il y eut la main qui le rejetait : « Dehors, va t’en dans le bureau ; va dans ton panier, il est tard ! »
L’odeur corporelle de Julie était inscrite sur chaque repli de sa mémoire profonde. Il en convoitait d’ailleurs certaines nuances plus que d’autres. Mais maintenant il n’avait plus à choisir : on lui avait tout pris. Toutes les variantes : les fragrances affriolantes d’herbe, de feuilles ou de violette qu’elle exhalait parfois aussi bien que les odeurs communes : fumets âcres ou salés, traces de muscade, relents de corne ou de porc braisé… Tout était perdu ! Définitivement. De même que les souvenirs de leurs câlins sous les couvertures, des caresses approchant sa poitrine ou se perdant entre ses bras.
Il percevait sa voix derrière la porte, tendue, sur la réserve : « Mais bien sûr, François. Rejoins-moi tout de suite, mon chéri ! Si tu savais comme c’est pénible à supporter, ce jeu de cache-cache ». Puis, après une pause : « Oui, j’ai lu les journaux de ce matin. Mais c’est exact : il est vraiment corse. S’il a des liens avec la mafia ? Je n’en sais rien, François, mais franchement, on s’en tape. Tu sais bien que je ne loue cet appart que pour être plus près de toi. Tu sais, j’ai terriblement, terriblement envie de toi, chéri.». Un silence. Bijou l’entendit qui pleurait tout doucement. Il avait appris encore un nouveau mot : « chéri ». Enfin, pas si nouveau : elle l’employait déjà avant…pour lui, avec le même ton. Maintenant elle disait ça à cette espèce de morceau de plastique d’où sortait une voix sans aucune odeur. Bijou ne comprenait pas. Il se dirigea vers son panier, comme sa maîtresse le lui avait ordonné. Elle fit une brève apparition. Mais pas pour lui souhaiter bonne nuit : il avait tendu la patte d’un geste implorant et n’avait rencontré qu’un petit coup de sa mule rose en satin mou, celle qui sentait le géranium. « Bijou, il va falloir que tu apprennes à dormir dans ton panier ! » dit-elle avec un froncement de sourcils, le visage fermé — exactement le même que Bijou avait remarqué lorsqu’elle lui avait dit « tu pues » quelques moments plus tôt.
Julie rassembla les journaux et le courrier que sa femme de ménage avait déposé sur son bureau. Puis elle se leva d’un bond pour aller claquer la porte de la pièce. Ayant rejeté le premier quotidien, Libération, elle se mit à feuilleter rapidement le magazine, Closer, avant de revenir à sa couverture qu’elle tint devant elle à bout de bras : François sur un scooter italien, avec ses Gucci à lacets, avec un casque dont la visière relevée laissait voir son sourire. On discernait à peine son propre visage dans l’angle du cliché pris par le paparazzo. Le type avait surgi de derrière l’ascenseur du vestibule et figé—en un quart de seconde—et cette photo allait maintenant faire les unes du monde entier, créer le scandale, l’onde de choc qui allait enfin lui permettre de quitter les coulisses et d’apparaître en pleine lumière. Elle jeta un coup d’œil à sa montre : il serait là dans quelques minutes. Elle se débarrassa en vitesse de son pull à col roulé et étira avec fierté son fameux t-shirt blasonné du slogan « I Only Date Superheroes »[1] — parfait pour l’occasion, songea-t-elle avec un sourire. Après tout, Julie était une actrice. Elle savait quels étaient les rôles importants en politique, sur la scène comme en-dehors. Elle enleva ensuite son jean, enfila un shorty façon string et passa un déshabillé par-dessus son t-shirt.
La sonnette se fit entendre, il fit donc ce qu’il n’avait jamais fait auparavant : il aboya. Cet aboiement n’était pas poli mais au contraire bruyant, chargé de menace. Lorsque la porte de l’appartement s’ouvrit, il se mit à même gronder. Deux voix se mêlaient, puis il y eut les bruits d’une embrassade. Puis encore le nouveau mot —« chéri »— qu’il distingua nettement, murmuré à voix basse. Ensuite, il perçut comme le bruit que faisait la nourriture brûlante sortant du four, de la poêle ou du micro-onde : une sorte de souffle, de friction chaude ; il se rapprocha tout doucement de la chambre et put alors les entendre aussi clairement que s’il se fût trouvé avec eux deux à l’intérieur. Les soupirs sporadiques se transformèrent soudain en une série rythmée d’aspirations, d’expirations et de petits cris étouffés. Il connaissait très bien ces derniers, qui lui rappelaient des moments similaires : lorsqu’il poussait vers les mamelles de sa mère, au coude à coude avec ses frères et sœurs qui menaçaient de le priver de nourriture. Il se souvenait parfaitement de l’odeur lourde, puante même, du relent sale et confiné, macéré, dégluti, répugnant, de leurs petits corps humides s’efforçant de le rejeter et tirant sur les chaudes mamelles de leur mère. Ce passé fermenté et envahissant lui revenait en force, avec toutes sortes d’odeurs et de textures qui s’y associaient : forêt, œufs, graines écrasées, noix, pommes de pin… Toutes ces senteurs se propageaient depuis la chambre de Julie, s’échappant par dessous la porte, remplissant ses narines d’un passé déchirant.
Pendant ce temps, Bijou demeura assis dans le salon, en position couchée avec ses deux pattes arrière alignées sur la barre de seuil et celles du devant repliées sous son poitrail, les oreilles dressées, chaque poil fermement tendu, orienté dans la direction d’où parvenaient les « oh » et les « ah »… Puis il commença à geindre, à produire comme une longue plainte aigue arrachée à sa poitrine. Ce bruit passait sous la porte, pénétrait par le trou de serrure, comme un cri d’animal blessé. Enfin Bijou se releva d’un bond et commença à tourner en rond aux abords de la porte. Rageur, il sauta pour attraper la poignée et réussit à faire fonctionner la serrure. La porte s’ouvrit alors en grand et il vit tout de suite le t-shirt de sa maîtresse à la gloire des super-héros qui gisait au sol à l’entrée de la pièce. Il le renifla : il portait l’odeur de glandes axillaires mâles. Bijou grogna, agrippant fermement le t-shirt avec ses dents; puis il l’amena dans le salon et commença à le mettre en pièces. Pris d’une crise de furie, grondant de colère, il le jeta au travers de la pièce! Des lambeaux du t-shirt jonchèrent bientôt tout l’endroit : certains bouts sur les chaises de la salle à manger, le reste sur la méridienne Louis XVI où il finit par prendre place, continuant de mâchonner l’étoffe — plus gentiment, comme s’il rongeait son os.
François quitta la chambre pour passer dans le salon plongé dans l’obscurité où Bijou se trouvait confortablement installé, sommeillant calmement à côté du morceau d’étoffe. Identifiant les restes du t-shirt de sa maîtresse, François ne put s’empêcher de s’écrier : « Julie, viens voir ce qu’a fait ce chien qui pue ! »
Bijou s’éveilla à la syllabe « pue ». Il aperçut François du coin de l’œil et sentit le danger : l’Angstgeruch lui emplit les narines !
« Ma chérie ! Viens là — il faut vraiment que tu voies ça, ma colombe », roucoula François tout en reculant, dos au canapé, pour lui laisser une vue d’ensemble de la pièce.
Ainsi c’était donc lui, cette voix qu’il avait entendue, étouffée par le boîtier de plastique noir. Ca sentait la transpiration, une odeur de cumin et de fromage trop fort. Lorsque François fut assez près, Bijou n’hésita pas : il lança d’un bond son corps tendu, frémissant, et abattit son adversaire au sol.
« Chérie ! » bêla François, comme un mouton attaqué par le loup.
Bijou retroussa les babines supérieures et plongea ses crocs dans la veine jugulaire qui courait sous la peau molle. Un goût ferreux de vieille poignée de porte et le relent du corps inerte de sa mère quand il l’avait retrouvée morte, tuée par le piège d’un fermier : voila ce qui remplit alors sa gueule. Julie fonça à la rescousse de François. Cherchant comme une folle à attraper quoi que ce soit qui fût à portée de main pour stopper le flot de sang cramoisi qui jaillissait de la veine, elle tomba sur le t-shirt qui venait de tomber de la gueule du chien. Le tissu sentait l’odeur forte de la morve et des coulures de bave, froides, comme déglacées au vinaigre.
« Julie, j’ai mal, gémissait-il, mon petit sucre… »
Elle lui tata le pouls puis baissa la tête, effondrée. Le chien revint et lécha les petites gouttes des larmes qui coulaient sur ses joues. L’odeur d’Angstgeruch s’était évanouie avec la mort de l’intrus. Bijou avait maintenant l’assurance d’un renouveau : des sauces réconfortantes et relevées, de puissants fumets—celles de nombreuses viandes tiédissant pour lui—, et des nuits plus chaudes avec sa maitresse et son odeur de primevère, de tubéreuse et de glycine.
[1] « Je ne sors qu’avec des super-héros »
Traduction : Jean-Baptiste Picy https://tieflander.tumblr.com/ (plater@libertysurf.fr)
Copyright © 2018 Sydney Alice Clark .
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